Jeudi soir, à Vevey, sous le chapiteau rouge et noir du Cirque Nock, un public chaleureux applaudissait aux exploits d’un jeune inconnu, Christian Elliker, alias Criselly, son nom d’artiste. Dans l’art si difficile du jongleur, ce Zurichois, de 19 ans seulement, fit preuve d’une maîtrise bore du commun.

Hors de la scène et de ses paillettes, nous voyons s’avancer timidement vers une roulotte une silhouette élancée. C’est bien lui, avec son visage pâli, l’auteur de nos enchantements!

Il s’installe pour boire un verre d’eau – l’alcool n’est pas recommandable dans son métier, ni la cigarette d’ailleurs. Pourtant, nous affirme-t-il, il ne suit aucun régime spécial. Quant à l’entraînement, il est simple: jongler et encore jongler, à raison de trois heures par jour quand il est en tournée, avec même une heure supplémentaire pour se chauffer, juste avant le spectacle.

Criselly s’exprime avec modestie, mais sa conviction est ferme: il veut poursuivre son métier le plus longtemps possible, de préférence au cirque, et l’améliorer sans cesse. Mais la concurrence est rude, les engagements difficiles, ai les jeunes talents ne sont guère encouragés en Suisse.

Ce qui l’aide cependant dans son entreprise, c’est son feu sacré, qui lui est venu à l’âge de 12 ans quand il découvrit par hasard Johnny Monti, le jongleur. Conquis, il suivit un cours à Zurich destiné aux amateurs, donné par le maître roumain Jacky Lubescu. Puis il s’engagea au Cirque Stey pour une saison. L’école de commerce achevée, il put enfin s’employer à fond dans sa vocation en entrant au Cirque Nock pour une année: c’est une première consécration.

Pureté et tradition, l’un ne va pas sans l’autre, estime Criselly. C’est ce qui explique son style qui rappelle celui de Rastelli, le fameux jongleur italo-russe. Sobriété des moyens: il utilise pour ses numéros sept cerceaux – 8 ou même 9 à l’entraînement… – cinq massues et quelques balles, des instruments classiques et sûrs. Et refus des effets trop faciles: on ne verra pas Criselly faire voler des torches dans l’obscurité, ou rater volontairement un cesse afin de créer la tension dans le public.